BREAKING THE CAGE C.C.P. , Ikob, Musée d’art contemporain d’Eupen, Belgique

Eupen (BE)
13 avril - 29 mai 2011

Le coq doré rouge, vert ou jaune, le coq doré du Sri Lanka, chacun picorant dans sa cage. L’installation ‘Breaking the Cage’ présents trois ou quatre espèces de volatiles du gène Gallus. Les animaux sont séparés par des grillages qui délimitent le parcours de la visite. Au-dessus, des lampes d’incubation projettent leurs lumières rouges clignotantes sur les cages. Le silence porte les sons. La scène est en net contraste avec le paradis qui constitue normalement l’environnement de ces animaux, un habitat de fourrés et de bois pour le coq doré jaune du Sri Lanka, la jungle abondante du sud-est asiatique pour le coq doré rouge, les côtes et les îles pour le coq doré vert.
La plus grande cage abrite le Red Junglefowl, le proto-poulet dont descendent tous les poulets domestiques. Le coq doré a vécu pendant des millénaires en bordure des forêts. Il a quitté le sanctuaire des jungles de Thaïlande il y a plus de 8000 ans et a été domestiqué. Un évènement relativement récent à l’échelle de l’histoire de l’Humanité. Alors que le Red Junglefowl sauvage restait dans les bois, son cousin domestiqué a voyagé dans le monde entier et a considérablement changé chemin faisant. Le poulet domestique est devenu moins actif, moins agressif, moins incliné à chercher des sources de nourriture. Les humains ont accéléré l’évolution des poulets de l’état sauvage à la domestication spécialisée dans la production de viande et d’œufs. Le phénotype de l’animal a ainsi changé de manière radicale. Le poulet domestique est aujourd’hui la source de protéines animales la plus importante et la plus rentable.
Est-ce l’homme qui a capturé le proto-poulet et l’a manipulé ? Ou est-ce l’animal qui est allé chercher l’homme ? Et quelle a été l’impulsion ? L’installation ‘Breaking the cage’ suggère qu’il devait y avoir un désir mutuel. Les chasseurs-cueilleurs se frayant un chemin dans les denses jungles d’Asie du Sud-Est, le proto-poulet quittant la cage naturelle millénaire qui le protégeait tout en l’emprisonnant. Une mutation génétique aléatoire a généré une relation symbiotique entre deux espèces animaux. Certains Red Junglefowls se sont approchés des hommes, cherchant de la nature parmi les ordures ménagères. Chaque organisme a besoin d’un autre organisme pour survivre.
La collaboration des deux espèces a résulté en davantage de mutation. Elles se sont modelées l’une l’autre, l’homme emportant le poulet partout sur la planète et transformant son architecture génétique. L’animal est devenu partie intégrante de la culture et de la religion de l’homme, de son alimentation, sa science et son mode de vie. Le poulet domestiqué il y a 10.000 ans est à l’origine de l’agriculture pour l’espèce humaine. Le coq vert et le coq jaune ont eu un destin différent du coq rouge. Ils sont restés sur place et son devenues des espèces isolées qui ont évolué à côté de leurs prédateurs. Depuis le premier contact entre l’animal humain et le poulet, les deux espèces ont prospéré. La survie du coq rouge, jaune et vert est pourtant menacée par la pollution génétique, le résultat de croisement avec des espèces domestiquées. Leur habitat est menacé par l’homme. Le poulet domestiqué, autrefois un animal sacré, est devenu un produit de consommation, un produit de la ferme et même une menace pour l’homme. En brisant la cage, les animaux sauvages incarnent le passé, que l’avenir menace d’extinction et qui cherchent protection. Devons-nous les conserver dans des réserves, des zoos et dans nos mémoires comme des preuves vivantes de l’évolution ? Devons-nous sauver leur matériel génétique. Conserver leur ADN dans de la glace ? Ou est-ce ainsi que va le monde, et la pollution génétique est-elle le point de départ possible d’une nouvelle mutation ? Ces animaux sauvages ont-ils besoin de nos cages pour les briser eux-mêmes, après mutation ?

Koen Vanmechelen, 2011